Nous avons interrogé Oscar Blanco, membre de la direction d’Anticapitalistes, un courant au sein de Podem (Podemos en Catalogne Sud), à propos de la situation créée par la mobilisation autour du référendum du 1er octobre en Catalogne Sud. Entretien à lire également dans le n°400 du 12 octobre 2017 de notre hebdomadaire L’Anticapitaliste.
L’État avait juré à qui voulait l’entendre qu’il n’y aurait pas de référendum et il a eu beau confisquer des registres électoraux, du matériel de campagne et des millions de bulletins de vote, il n’en a pas été ainsi. L’idée que le référendum puisse se tenir était vécue par le gouvernement comme une humiliation, et la police a tout fait pour dissuader la population d’aller voter et pour l’amener à renoncer à défendre les bureaux de vote, les urnes, les bulletins. Sa stratégie de terreur a été défaite grâce à l’auto-organisation populaire et à l’ingéniosité des gens, qui sont même parvenus à cacher les urnes dans certains bureaux où la police avait réussi à pénétrer.
Les travailleurs et le mouvement ouvrier ont eu historiquement, en dehors de quelques soutiens du syndicalisme le plus combatif, un rôle passif dans ce processus. Le patronat et le grand capital s’opposent frontalement à l’indépendance. Ce sont la petite-bourgeoisie et les classes moyennes qui sont à l’initiative sur ce terrain, mais il s’agit d’un bloc interclassiste qui inclut aussi certains travailleurs alors que d’autres ne s’impliquent pas ou rejettent ce processus. En ce sens, la grève générale lancée par le syndicalisme combatif mardi 3 octobre témoigne d’un changement de phase. Espérons qu’elle puisse marquer le début d’une tendance des travailleurs à prendre davantage leur place dans cette lutte nationale.
Il y a en ce moment une violente offensive du nationalisme espagnol qui permet à la bourgeoisie d’entraîner derrière elle des secteurs de travailleurs déclassés et inorganisés. La gauche, en particulier Podemos, est une des cibles de l’extrême droite et du nationalisme espagnol car ils la considèrent comme des collabos. Soit les organisations de gauche de tout l’État espagnol réagissent et construisent un large mouvement pour les droits et libertés démocratiques et pour la fin du régime des Bourbons [l’État espagnol est un royaume], soit la crise de l’actuelle Constitution se résoudra par le haut, d’une manière extrêmement centraliste et autoritaire. Le mouvement pour l’autodétermination de la Catalogne a, malgré ses limites et les erreurs de sa direction, frappé au cœur la continuité existant entre le franquisme et l’actuelle démocratie parlementaire.
Le mouvement a besoin de continuer à élargir sa base et sa légitimité à partir d’un processus constituant de la République catalane dans lequel les forces de gauche, entendues dans un sens large, font valoir la majorité sociale qu’elles représentent et les énormes avancées qui se sont produites, ces dernières semaines, dans la conscience du peuple (sur la désobéissance civile, les banques ou l’Union européenne). La gauche radicale doit pousser dans le sens de l’unité d’action et de la mise en mouvement du peuple à la base et, en même temps, mettre en avant des revendications transitoires sur la nécessité d’une banque publique ou sur le contrôle des secteurs stratégiques de l’économie, tout en combattant les travers nationalistes du mouvement. Par exemple, le 1er octobre, ce sont seulement les personnes de nationalité espagnole qui ont pu voter. Il faut abroger la loi sur les étrangers et accorder le droit de vote à toute la population de Catalogne.
La solidarité la plus indispensable passe par la dénonciation de la répression de l’État espagnol, et la pression doit venir de tous les États afin de le contraindre à accepter une négociation qui inclut la reconnaissance du droit à l’autodétermination.
Propos recueillis par Joan Boucher et traduits par Antoine Rabadan