Sept mois après avoir participé à la manifestation du 3 juillet 2021 contre les idées d’extrême droite à l’occasion du congrès du Rassemblement national (RN) se tenant à Perpignan, Philippe Poutou (un des rares responsables politiques nationaux à avoir été présent à cette manifestation antifasciste – comme le remarque l’article du quotidien L’Indépendant) était de retour à Perpignan vendredi 12 février. Quelque cent personnes ont participé à la réunion publique de campagne, réunion qui avait lieu au cinéma Le Castillet, du fait d’une réponse volontairement tardive de la mairie de Perpignan à la demande du NPA 66 (Catalogne nord) de mise à disposition d’une salle municipale. (Demande faite en décembre. Réponse d’Aliot dans l’après-midi du… 4 février ! Soit à peine une semaine avant la date souhaitée… Une façon pour le moins peu subtile de nous empêcher de préparer et tenir le meeting !! Un petit avant-goût de la politique viscéralement antidémocratique que mèneraient au pouvoir national les Le Pen et autres Zemmour !)
Un peu plus tôt dans l’après midi, avait lieu une conférence de presse de Philippe Poutou devant le « Centre national de documentation des Français d’Algérie », musée à la gloire de l’Algérie française. Un représentant de l’association des Pieds-Noirs progressistes, qui a eu la grande gentillesse de venir expliquer à Philippe la situation - et que nous tenons à remercier -, et des militants du NPA ont dénoncé le caractère révisionniste et colonialiste de ce musée qui bénéficie de financements municipaux, vis-à-vis de la Guerre d’Algérie, une question particulièrement « sensible » dans notre région et instrumentalisée tout particulièrement par l’extrême droite à des fins racistes et nationalistes.
Notre camarade Josie Boucher a introduit la réunion publique, avec une analyse du contexte politique local et du danger mortel de l’extrême droite (lire son intervention in extenso ci-dessous). Philippe Poutou a rappelé la difficulté pour le NPA d’obtenir les 500 parrainages d’élus, dénonçant le régime autoritaire de Macron et ses lois islamophobes et racistes, puis présenté de nombreux thèmes de campagne : inégalités, urgences sociale et écologique, défense des services publics, liberté de circulation et d’installation des migrants… en terminant par la nécessité d’un programme internationaliste et d’un puissant mouvement populaire antiguerre en Russie, en Ukraine et dans tous les pays. Le débat avec la salle a permis ensuite d’aborder d’autres questions : la situation en Catalogne Sud, l’agriculture, les moyens pour le milieu carcéral, psychiatrique, les EHPAD et bien d’autres encore. Nous avons donné rendez-vous à plusieurs personnes qui ont laissé leur contact pour continuer ensemble la campagne, et le combat anticapitaliste !
Correspondant·es NPA 66 & 34
Pour suivre les interventions, speechs, interviews etc. de Philippe Poutou : https://nouveaupartianticapitaliste.org/
Intervention de Josie Boucher en introduction du meeting
Dans cette période si difficile et dangereuse pour notre camp social et pour toutes celles et tous ceux qui sont victimes du capitalisme, nous sommes d’autant plus heureux d’accueillir ce soir Philippe dans cette ville et cette région emblématique, à plus d’un titre. Et de plus à une date, elle aussi symbolique, emblématique, le 12 février. Une date anniversaire. Aujourd’hui, dans plusieurs villes, face au renouveau du danger de l’extrême droite, plusieurs actions unitaires vont commémorer le 12 février 1934.
Le 12 février 1934 c’était la grève générale, c’était une immense manifestation ouvrière, unitaire, à l’appel des partis de gauche et des syndicats. Qui a vu se réaliser dans la rue un front unique de masse contre la menace fasciste qui avait montré son vrai visage – violemment antidémocratique - avec la manifestation des ligues fascistes quelques jours avant, le 6 février 34. Bien heureusement nous ne sommes pas les seuls mais le NPA est engagé résolument dans le combat antifasciste et nous comptons bien le mener et avec d’autres, dans des cadres unitaires, dans des mobilisations unitaires. Car, aujourd’hui, nous le savons, même si elle se donne des airs respectables, la bête immonde qu’est le fascisme – comme le disait Bertold Brecht - menace à nouveau. Elle se nourrit de la crise du capitalisme pour s’en faire le serviteur le plus barbare.
Mais au-delà des Le Pen et autres Zemmour, elle gangrène toute la vie politique. Le fait que le FN/RN ait pu s’emparer de Perpignan - la première ville de plus de 100 000 habitant tombée dans son l’escarcelle - c’est un signal d’alarme. Aliot a su séduire une partie de la bourgeoisie perpignanaise. Le Pen, elle, espère séduire une partie de la bourgeoisie nationale, française – et servir ses intérêts. Aliot veut faire de Perpignan un laboratoire et un tremplin pour la prise du pouvoir à l’échelle du pays. Un exemple graphique de leur stratégie car on a ici tous les ingrédients de la crise du capitalisme – tous les ingrédients qui, combinés, peuvent permettre en effet le développement et même une victoire de l’extrême droite. L’extrême pauvreté. Un taux de pauvreté évalué à 32%. Le record national du chômage. La faiblesse de la gauche (qui depuis 2014 n’a pu avoir aucun représentant à la mairie). Elle a aussi profité de la corruption de la vie politique dans ce département, de l’état de déliquescence de la droite locale. Une droite, dont la politique pro-colonialiste et nostalgique de l’Algérie française a bien pavé la voie à Aliot dont la politique ultra-chauvine exalte la soi-disant grandeur et supériorité de la nation française à l’égard des autres peuples, soi-disant inférieurs.
Racisme, chauvinisme et colonialisme font bon ménage. La question de l’Algérie française a été depuis longtemps bien instrumentalisée et tout particulièrement ici par la droite. Sans faire la liste, rappelons : on a un monument dans un cimetière municipal à la mémoire des assassins de l’OAS – l’OAS dont, rappelons nous, le FN est un des héritiers ; on a un « Mur des disparus », un musée à la gloire de l’Algérie française (devant lequel nous avons fait tout à l’heure une conférence de presse avec Philippe), etc., etc. Du pain béni pour l’extrême droite !
En effet si l’hystérie islamophobe, raciste, sous couvert d’une défense de laïcité dévoyée, prend aujourd’hui le relai de l’antisémitisme des années 30 – un racisme antisémite par ailleurs toujours bien présent -, c’est aussi en grande partie lié au passé colonial de l’impérialisme français qui n’a jamais avalé sa défaite en Algérie et qui traite les descendant·es de ses anciennes colonies dans nos quartiers populaires comme des citoyen·es de seconde zone, des sous-citoyen·es. Un passé colonial fait de tortures et de massacres que le FN/RN revendique haut et fort ici tout particulièrement puisque que le 19 mars, date de la fin de la Guerre d’Algérie, les drapeaux de la mairie sont en berne (comme l’a fait d’ailleurs Pujol, son prédécesseur de la droite extrême). Le 19 mars, son 60e anniversaire, nous, nous le célébrerons cette année à Elne, avec d’autres, comme d’ailleurs dans toutes les villes « brunes » du sud de la France où les militant·es antifascistes le célébreront aussi, dans un cadre unitaire, comme un événement heureux – comme la fin d’une guerre horrible, la fin des massacres, la fin de l’oppression et de l’exploitation coloniales, comme la possibilité pour un peuple de décider enfin de son avenir. Je vous y invite à participer, nombreux et nombreuses.
Notre département, vous le savez, est aussi un département frontalier qui a connu, avant-guerre, avec la Retirada, le premier grand exode européen lié au fascisme d’hier. Mais une frontière qui est toujours aujourd’hui un lieu de passage pour celles et ceux qui fuient la guerre, qui fuient la dictature qui fuient aussi la misère dont les pays occidentaux sont largement responsables. Et qui, à nouveau, sont accueillis dans notre pays d’une façon honteuse, inhumaine. Une frontière sur laquelle Macron et son flic en chef Darmanin ont choisi pour faire, l’an dernier, leur show répressif, amalgamant terrorisme, trafic de drogue et immigration Avec une présence policière et militaire de plus en plus massive, toute la région frontalière est devenue un avant-poste de la forteresse Europe, qui refoule les migrants – hommes, femmes, enfants - les laisse mourir dans les déserts, dans des camps en Libye ou se noyer en Méditerranée.
Lors de sa dernière conférence de presse à Cerbère, perturbée par plusieurs militants antiracistes, le préfet s’est même vanté d’avoir recours à une surveillance aérienne pour traquer les migrant·es… Ici comme à Calais, Briançon, Hendaye, les frontières tuent. Cet été, deux migrants sont morts sur les voies de chemin de fer après que la direction SNCF a fait poser des barbelés, habituellement utilisés pour que des piétons ne puissent accéder aux voies, à la sortie du tunnel. Ces barbelés empêchent les migrant·es de quitter les voies pour rejoindre la route en contrebas en les obligeant à continuer leur chemin sur les voies, se mettant ainsi en danger. Une situation intolérable qu’ont dénoncé les cheminots de la CGT de Cerbère ainsi que toutes les associations de soutien aux migrant·es dans une lettre adressée au préfet à la suite de la mort de ces deux migrants sur les voies de chemin de fer. Ensemble ils ont adressé une lettre au préfet dont la conclusion disait, faisant le lien entre le passé et le présent : « Le Mémorial de Rivesaltes a pour vocation de rappeler nos heures sombres de traitement des réfugié·es sur le département, n’y rajoutons pas une nouvelle page. » C’est pourquoi l’ouverture des frontières, la liberté de circulation d’installation est une exigence concrète portée par toutes nos mobilisations ici et ailleurs !
Et tout dernièrement Marine Le Pen est venue elle aussi sur cette frontière pour réclamer encore plus de répression contre les migrant·es. Elle a même pu – sans que le représentant de l’État dans le département y trouve à redire – tenir une conférence de presse devant le centre de rétention administrative de Perpignan ! Et Aliot, lui, met en application ce programme toujours plus répressif, toujours plus raciste : toujours plus de caméras de surveillance, toujours plus de flics municipaux, plus de commissariats – y compris à la place d’un centre qui devait accueillir des jeunes migrants - des MNA. Un harcèlement policier raciste dans le quartier gitan-maghrébin de Saint-Jacques.
Pour nous NPA, la lutte contre le racisme et lutte contre le fascisme sont intrinsèquement liées. La lutte contre l’extrême droite ne souffre aucune ambiguïté sur la nécessité de se mobiliser, et dans l’unité, contre le racisme sous toutes ses formes et notamment contre l’islamophobie qui gangrène tous les rapports sociaux et que l’extrême droite a réussi à imposer dans la société avec le soutien zélé de toute la droite réactionnaire, et même au-delà. Les résistances s’organisent. Elles doivent s’amplifier. La dernière fois que Philippe était là c’était pour participer à la manifestation unitaire du 3 juillet à l’appel de tous les syndicats, partis et associations qui a rassemblé quelque 3000 personnes dans la rue contre les idées d’extrême droite à l’occasion du congrès du RN. Une vraie revanche contre la victoire électorale d’Aliot aux municipales. Face aux provocations multiples et la morgue identitaire de la mairie RN/FN contre la spécificité catalane de cette ville, lors de la dernière Diada , le mot d’ordre le plus repris était « Perpinya antifaixista ! » Oui, Perpignan doit devenir antifasciste !
La lutte contre le danger mortel que représente l’extrême droite pour nous toutes et tous est une urgence ici et ailleurs dans le monde. Elle est pour nous partie intégrante du combat contre l’autoritarisme et les dérives policières, contre les régressions démocratiques et sociales qui font le terreau du FN/RN et de toute l’extrême droite. Elle est partie intégrante des autres luttes contre les méfaits et la barbarie du capitalisme. Des luttes sociales, articulées aux luttes antiracistes, féministes. Elle est partie intégrante du combat pour une alternative enfin vraiment à gauche qui, en rompant avec le capitalisme, mettra en œuvre des solutions collectives, progressistes, au service des êtres humains et de la planète. C’est cette politique que nous défendons à nouveau à l’occasion de cette présidentielle mais aussi tous les jours, sur le terrain, et que Philippe va maintenant vous présenter. Merci !