Francis Fourcou et sa brillante équipe ont réussi à relever la gageure d’amalgamer aux documents d’époque, les témoignages et les reconstitutions dont les acteurs ont parfaitement assimilé les enjeux. Voici dévoilés à nos yeux certains incunables qui ont été conservés dans les archives universitaires américaines : Vichy avait, en effet, ouvert le camp du Récébédou à des reporters afin, au prix d’une mise en scène falsificatrice, de cultiver la neutralité trop longtemps bienveillante de Roosevelt. La narration de Philippe Caubère, toute d’émotion contenue, le jeu des acteurs portés par l’héroïsme tranquille de ceux qu’ils incarnent, la force des témoignages d’Angèle, Edith, Sylvia et Maria, octo ou nonagénaires d’une étonnante jeunesse, suffisent à distinguer ce superbe film. L’alternance du sépia des actualités d’époque et de la couleur des scènes restituées, scrupuleusement documentées, la musique lancinante, ancrée dans les traditions juives et tziganes d’Europe centrale, donnent à cette œuvre un cachet particulier. Au moment où la lucidité oblige à reconnaître, en écho à Bertolt Brecht, que le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde, ce film arrive à son heure. Il ne sera pas reçu comme un simple film de mémoire. Il est bien, et pleinement, un film d’actualité.
C’est pourquoi la LDH 66 tient à rendre hommage à ces solidarités de l’époque, et replacer les fondamentaux de ce film dans le cadre de l’accueil des réfugié/es actuels.